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Zéro glyphosate ou le défi impossible ?

Peut-on se passer du glyphosate ? Depuis 2019, cette vaste question a été travaillée via le plan « transition glyphosate Normandie », au sein de 37 exploitations locales. Un bilan des deux années d'expérimentation a été présenté vendredi 4 novembre à Caen.

© DR.

La Région Normandie et les Chambres d'agriculture de Normandie ont restitué, vendredi 4 novembre à l'Abbaye-aux-Dames à Caen, les résultats des deux années du plan « transition glyphosate Normandie ». Lancé en 2019, le projet consistait à « regarder si on pouvait se passer du glyphosate, dans quels contextes d'exploitation et de climat », a rappelé Sébastien Windsor, président de la Chambre régionale. En 2022, le glyphosate est limité à un usage de 1 080 g/ha/an. « Seuls 22 produits sont encore homologués en France », relate Emmanuel Gsell, chargé de mission en charge du dossier à la Cran.

 

PANEL INITIAL

Au total, 37 exploitations se sont engagées dans ce plan expérimental - deux dans la Manche, neuf dans le Calvados, trois dans l'Orne, 18 dans l'Eure et cinq en Seine-Maritime. Parmi elles, 17 étaient installées en grandes cultures, 17 en production laitière et trois en production bovine. Ces exploitations ont été accompagnées par la Cran, le Cabinet Langlois, Littoral Normand et le CER France. Un premier diagnostic réalisé en 2019 a permis de voir que « plus la surface augmente, plus le recours au glyphosate est une réalité ». Sur le panel observé, les agriculteurs avaient majoritairement recours à l'herbicide pour la gestion des adventices et les repousses d'intercultures.

 

DEUX ANNEES INEGALES

Afin de tendre vers le zéro glyphosate, les solutions proposées tournent principalement autour du travail du sol (désherbage mécanique, déchaumage, etc.). Si la majorité des participants s'accorde à dire que la première année d'expérimentation a été plutôt fructueuse, il n'en est pas de même pour la seconde. 2020 a en effet été très sèche, ce qui a facilité le travail mécanique, contrairement à 2021 qui a vu quasiment « le triple de précipitations sur la période estivale », remarque Emmanuel Gsell. Emmanuel Bertrand, polyculteur éleveur à Champsecret (61), utilisait une demi-dose de glyphosate tous les deux ans avant le début de l'expérience. Pendant le processus, ses parcelles se sont salies. « Malgré la herse étrille et le binage, j'ai dû augmenter mes IFT. Le projet est très intéressant, mais le résultat est décevant. Je pensais que ce serait plus facile que ça », déplore-t-il. « En cas d'infestation forte, comme le ray-grass résistant, on peut aller jusqu'à l'impossibilité de récolter la parcelle », s'inquiète Régis Chopin, président du comité non alimentaire de la Cran. Qui dit plus de glyphosate sous-entend également labour. « Or le non-travail du sol est un moyen de piéger le carbone dans le sol », met en garde Gilles Lievens, président de la Chambre d'agriculture de l'Eure.

 

UNE CONJONCTURE QUI EFFRAIE

Regis Le Breton, du Gaec du Pavement à Cordey (14) - 75 vaches laitières, 850 000 litres de lait et 50 ha de céréales -, témoigne : « je me suis mis aux intercultures et je passe superficiellement, trois à quatre fois sur la parcelle, avec un outil à disque. Je laboure aussi. La luzerne m'a permis d'être moins embêté derrière ». S'il n'applique plus de glyphosate à l'issue de l'expérience, l'entrepreneur fait tout de même part de ses craintes : « aujourd'hui le coût de l'énergie est là. Ce n'est pas simple à gérer ». Emmanuel Gsell estime qu'avec un pulvérisateur traîné à raison de 24 EUR/ha de glyphosate, le chantier revient à 34 EUR/ha. Le labour lui est plutôt autour de 63 EUR/ha, contre 31 EUR/ha pour le déchaumeur à disques ou 114 EUR/ha pour un semis suivi d'une destruction de couvert. Une différence de prix non négligeable qui pose question sur la rentabilité économique. « L'idée, c'est bien de préserver voire d'optimiser le revenu », remarque Aurélien Dubos, conseiller Chambres.

 

NI OUI, NI NON

« Nous avons fait le choix du courage, martèle alors Sébastien Windsor. Avec cette expérimentation, nos techniciens sont mieux armés pour permettre aux exploitations de s'adapter et de trouver des solutions. » L'expérimentation révèle qu'il n'y pas de solution miracle. « Ce que l'on pense acquis une année ne l'est pas l'année suivante. On n'est pas là pour substituer un produit à un autre », déclare Aurélien Dubos. Gilles Lievens conclut la table ronde en affirmant : « le système doit être appréhendé de manière globale ».

 

NOUVEAU DISPOSITIF

Face à ces conclusions, Hervé Morin, président de Région, a réaffirmé son engagement sur le sujet. « On doit être en mesure d'accompagner beaucoup plus d'exploitations. Il faut qu'on continue de prendre des risques. » C'est pourquoi, un nouveau dispositif de soutien économique sera déployé dès 2023 avec le plan « Maec forfaitaire transition des pratiques ». Les exploitations engagées pourront bénéficier de 18 000 EUR sur une période de cinq ans. Le sort du glyphosate, lui, devrait être réévalué à l'horizon fin 2023.

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