Le lin d'hiver passé au crible, que faut-il en retenir ?
Les acteurs locaux ont œuvré, main dans la main, à la réalisation d'essais techniques sur la culture de lin fibres d'hiver dans le Calvados. Chez Benoît et Thomas Vandermersch à Cintheaux, près de 250 personnes sont venues assister à la première restitution du genre, jeudi 15 mai.






Il y avait foule dans les champs de lin - en cours de floraison - ce jeudi 15 mai à Cintheaux (plaine du sud de Caen). Il faut dire que le rendez-vous était inédit : pour la première fois dans le Calvados, les acteurs de la filière ont œuvré à la conduite d'essais sur la culture afin de répondre à "la demande grandissante de référence technique sur le lin fibres d'hiver", détaille Vincent Meyer, président du Syndicat des producteurs de lin bas normands.
"Avec ces essais, on veut être plus performant pour approvisionner le marché en quantité et en qualité."
L'expérimentation multipartenariale a vu le jour en janvier 2024 chez Thomas et Benoît Vandermersch, installés en polyculture. "Cette plateforme est à l'initiative des producteurs de lin, issus des trois teillages bas normands (la Coopérative linière Cagny, la Coopérative linière du nord de Caen et le teillage Vandecandelaere du groupe Depestele)", souligne Vincent Meyer. Arvalis, les Chambres d'agriculture de Normandie et l'AGPL sont partenaires du projet. Trois distributeurs de machines ont aussi participé : les établissements Hochet, la Sama et Vivagri. "Du bon matériel et un service de proximité sont nécessaires pour produire de la fibre en quantité et surtout en qualité", décrit-il.
Focus sur le lin d'hiver
S'ils ont choisi de se concentrer sur le lin d'hiver, c'est bien pour répondre à une problématique dans l'air du temps. "Nous avons beaucoup de choses à apprendre sur cette culture qui est complémentaire du lin de printemps", remarque Vincent Meyer. "Le lin répond à des besoins d'introduction de cultures nouvelles dans l'assolement. [...] Le lin d'hiver est une culture robuste par rapport aux assauts du climat", constate Samuel Hardy, référent lin à la Chambre d'agriculture du Calvados. D'après l'AGPL, "en France, pour la récolte 2025, il y a 180 000 ha de lin, dont 35 000 ha de lin d'hiver. Dans le Calvados et l'Orne, on doit être à 50 % de l'assolement en lin d'hiver". "Le lin d'hiver permet de régulariser les rendements sur l'année. Avec une implantation d'automne, les producteurs sont moins exposés aux printemps froids et secs comme en 2025", appuie Samuel Hardy.
Références
"Les références techniques en lin d'hiver étaient jusqu'alors moins fréquentes et moins locales qu'en lin de printemps. Il y avait un besoin assez fort", constate-t-il. Idéalement, selon les conditions météo, il est préconisé de réaliser ses semis de lin d'hiver autour du 10 et 15 octobre. Sur la plateforme, le lin a été semé tardivement en raison des fortes pluies de l'automne 2024, sur un précédent en blé tendre d'hiver, dans un limon argileux. D'après l'observation sur site, sur les neuf variétés testées, le top 3 à privilégier est constitué de l'Olga, la variété Toundra et la Cirrus. Au 15 mai, l'Olga variété la plus haute (90 cm) mesurée.
La densité
Parmi les critères qui ont toute leur importance, la densité de semis n'est pas à négliger. Ici, quatre variations ont été testées afin de chercher l'optimum de densité. Pour 1 200 grains/m2 semés, 950 pieds ont levé (soit 21 % de perte) avec une hauteur de 94 cm au 13 mai. Alors que pour 2 400 grains/m2 semés, 1 653 pieds ont levé (soit 31 % de perte) avec une hauteur de 89 cm au 13 mai. "La météo de ce premier trimestre 2025 a été marquée par un déficit pluviométrique et beaucoup de vent, ce qui stresse la plante. Plus le semis est épais, plus c'est dur de pousser et plus on favorise les risques de maladie, mais on sait aussi que plus on sème dense, meilleure est la qualité de la tige", contrebalance Cynthia Torrecillas, référente technique Normandie chez Arvalis.
L'enjeu des semences
Face à "des emblavements inédits", commentent les trois teillages, "les enjeux de demain sont de réussir à avoir assez de semences pour tout le monde", constate finalement Vincent Meyer, appuyé par Samuel Hardy : "Il y a une perspective intéressante d'un point de vue génétique, mais il faut surtout voir la disponibilité." De plus en plus de teillages se tournent vers l'autoproduction de semences via des surfaces de multiplication chez des adhérents producteurs de semence de lin textile "porte-graine". "Il y a de la place pour le lin d'hiver s'il n'y a pas de trop grosses différences entre le pied et la tête. Arracher plus vert pour rouir plus vite peut être une solution. Ce qui est sûr, c'est que la technique s'améliore d'années en années", constate Pierre Levesque, technicien de plaine pour le teillage Vandecandelaere.