Répondre aux « injonctions contradictoires » de la société.
Les éleveurs de volailles considèrent qu’ils répondent de plus en plus aux demandes de la société. Mais ne se trouvent pas récompensés de leurs efforts.
« Quelle place pour l’élevage avicole et cunicole dans notre société ? » : tel était le thème de l’assemblée générale de la Confédération française de l’aviculture (CFA) qui s’est tenue le 11 octobre à Paris. Un thème particulièrement pertinent si l’on considère la situation des élevages dans le pays. Alors que la filière française est à la pointe pour ce qui concerne les attentes sociétales avec la mise en place par exemple de l’ovo sexage, ou sur la forte diminution de l’élevage en cage, les importations sont en plein essor et les producteurs ont du mal à s’installer.
Le témoignage de deux jeunes éleveurs a illustré le véritable parcours du combattant qu’ils ont dû affronter pour mener à bien leur projet. Tristan Poincloux, en Maine-et-Loire, notamment, a surmonté deux années de procédures, à la suite d’une action intentée par un couple de voisins. Des interventions qui ont éclairé les deux élus présents, tous deux agriculteurs : Jérémy Decerle, parlementaire européen (Renaissance) et Pascal Lavergne, député (Renaissance) du Morbihan, ce dernier étant co-rapporteur du Groupe de suivi relatif à la préparation de la loi d’orientation agricole.
« Il faut simplifier les choses » dans les procédures concernant l’implantation des bâtiments a reconnu Pascal Lavergne. « Les procédures sont longues, compliquées, et sujettes à attaques ». Pourtant, la LOA ne prévoit pas « de modifier les règles d’urbanisme ». « J’aurais souhaité le périmètre de la loi un peu plus large », ajoute-t-il.
Interpellé sur les importations massives de volailles ukrainiennes en UE, Jérémy Decerle n’a pas esquivé le sujet. « Ce qui se passe avec l’Ukraine nous a pris au dépourvu », a-t-il dit. « Nous sommes obligés de prendre des décisions qui font mal, dont on n’a pas toujours le temps de mesurer l’impact et qui ne sont pas toujours bonnes » reconnaît-il. Ce type de décision est du ressort de la Commission européenne. « Nous ne sommes pas aidés par notre Commissaire à l’Agriculture qui a un peu de mal à gérer la situation. » « Il faut changer la façon dont l’agriculture est regardée quand on parle de commerce extérieur », affirme-t-il afin qu’elle ne soit plus « la variable d’ajustement ».
DE NOUVELLES MENACES SE PROFILENT
« Mais depuis 2019 (le début de l’actuelle mandature au PE), le Parlement se prononce de manière plus raisonnable », estime-t-il en évoquant le dossier du Mercosur. « On ne peut pas voter le Green Deal et signer le Mercosur », a-t-il martelé en insistant sur l’importance d’imposer des clauses miroirs. Intervenant au nom de la FNSEA, Frank Laborde, membre du bureau de la fédération, s’est adressé à une filière « impactée par des conditions sanitaires dégradées qui a su porter les messages d’importance au plus haut niveau de l’Etat et de l’Union européenne ». Dernier exemple en date : la vaccination contre l’influenza aviaire « qui doit être un atout maître pour lutter contre ce fléau qui nous frappe depuis des années ». « Nous nous félicitons du lancement de la vaccination. Nous misons beaucoup dessus. »
Le consommateur, qui plébiscite la volaille et les œufs dont la consommation est globalement en hausse, refuse cependant d’y mettre le prix. Résultat, les importations continuent d’augmenter avec désormais plus d’un poulet sur deux consommé en France qui n’est pas produit en France. Jean-Michel Schaeffer dénonce la politique « hypocrite » de la Commission européenne « qui consiste à imposer des standards de production les plus élevés pour l’UE et en même temps ne pas les imposer aux produits importés ». Les normes européennes et nationales se cumulant « nous n’arrivons plus à construire de nouveaux poulaillers ». Une situation qui pourrait encore s’aggraver si le projet de révision de la directive relative aux émissions industrielles (IED) allait jusqu’à son terme. Même préoccupation pour le bien-être animal. Un avis de l’Efsa préconise de passer la norme en élevage de poulets de 40 à 11 kg par m2. « On importerait alors 90 % de nos poulets », s’indigne le président. Pour la filière œuf, la mise en place de l’ovo sexage « induit des surcoûts très importants ». Pour éviter les distorsions de concurrence « nous demandons un élargissement de l’interdiction de l’élimination systématique des poussins mâles dans l’Union européenne », a-t-il conclu.