Changement climatique ou l'émergence de bioagresseurs.
Lors d'un colloque sur la surveillance sanitaire des cultures en Normandie, mercredi 8 novembre au lycée
agricole du Robillard, dans le Calvados, la hausse des températures et l'adaptation des bioagresseurs ont
été mis en lumière par Frédéric Suffert, chercheur à l'Inrae.
Les impacts du réchauffement climatique se manifestent de manière visible sur les cultures en France. La hausse des épisodes de dérèglement météorologique favorise la récurrence de maladies endémiques (déjà en place sur notre territoire) et l'émergence de nouveaux bioagresseurs tels que des souches inédites de champignons ascomycètes, responsables de la chalarose du frêne, ou encore les champignons basidiomycètes, à l'origine de la rouille jaune du blé. C'est le constat posé par Frédéric Suffert, chercheur à l'Inrae, lors d'une conférence tenue mercredi 8 novembre 2023 au lycée agricole du Robillard.
AGENT PATHOGENE & HOTE
La maladie est « l'expression de l'interaction entre l'arrivée d'un agent pathogène sur un hôte, dans un contexte climatique et un environnement particulier, avec une action possible de l'homme par les pratiques agronomiques », résume d'entrée de jeu Frédéric Suffert. Altises, champignons, charançons, méligèthes, pucerons et autres larves sont autant de ravageurs entraînant l'apparition de maladies sur les cultures. « Nous n'avons pas à faire à un seul individu, mais à une population pathogène qui s'adapte et évolue en fonction de la diversité du milieu et de ces caractéristiques biologiques », constate l'expert. « Avec le changement climatique (stress hydrique, canicule, gel tardif, etc.), l'arrivée d'organismes nuisibles émergents communautaires va progresser. Certains vont pouvoir s'exprimer en plein air. [...] D'autant plus avec le retrait du marché de certaines substances actives », remarque alors Jérôme Julien, expert national en santé du végétal à la Direction générale de l'alimentation (DGAL), invité de la table ronde du jour. LA TEMPÉRATURE GRIMPE Les hausses de températures réduisent la durée du cycle entre l'infection par une spore et l'apparition de nouvelles spores. « Plus on est proche d'une température optimale pour le pathogène, plus on va avoir des cycles rapides avec une épidémie intense [...] Plus il fait sec, moins on a de maladies », relève Frédéric Suffert. La température optimum pour la septoriose du lin, du blé et du colza est de 18 degrés, par exemple. Avec les récents épisodes de forte pluviométrie, on constate une résurgence du mildiou sur la pomme de terre. « Il y a une augmentation ces trente dernières années des épidémies de phytophthora infestants, dans le nord de l'Europe. Les températures se réchauffant, le mildiou apparaît au bout de vingt jours environ sur des surfaces toujours plus importantes », constate Frédéric Suffert. Le micro-organisme responsable de la maladie a désormais une capacité de survie sur les résidus de culture (gènes de résistance). « Les outils d'aide à la décision doivent être vérifiés et reparamétrés régulièrement pour intégrer ces changements dans la biologie de l'agent pathogène », explique donc le chercheur.
COMMENT LUTTER ?
« Les bioagresseurs sont très évolutifs. Il faut s'adapter constamment », reconnaît Emmanuel Gsell, animateur BSV des Chambres. C'est pourquoi, des modèles de distribution d'espèces et des modèles épidémiologiques mécanistes sont établis à partir des observations terrain. On surveille la survie et la germination des spores, leur présence dans les tissus hôtes, etc. Outre ces études, avec les pratiques de biocontrôle, « on a espoir de modifier le microbiote et les conditions d'expression de la maladie », déclare Frédéric Suffert. Elles consistent à mener une veille sanitaire, à recourir à des agents de biocontrôle (tels que les nématodes, les insectes auxiliaires ou les acariens), ou encore à utiliser des micro-organismes plutôt que de produits phytosanitaires conventionnels, etc. L'expert recommande également d'apporter de la diversité dans les espèces implantées. « En Normandie, il y a cinq six variétés qui représentent 80 % de la sole de blé normande. La diversité n'est pas nulle, mais elle n'est pas très élevée », constate-t-il.