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Petits fruits rouges : le réveil a sonné !

Les petits fruits rouges frais sont plébiscités par les consommateurs français et européens depuis plusieurs années, avec une préférence marquée pour la framboise tandis que la myrtille a le vent en poupe. Sur le marché des fruits rouges, il y a donc une place à prendre, mais en France, la production peine à décoller.

© PIXABAY

La consommation de fruits rouges dans l’Hexagone ne s’est jamais aussi bien portée. En première position, la framboise fraîche connaît une progression constante dans le panier des ménages depuis une quinzaine d’années. L’essor est particulièrement marqué depuis 2015 avec un taux de croissance annuel moyen (TCAM) des achats de +9,4 % en volume et de +10,8 % en valeur, selon une étude économique du CTIFL sur les petits fruits rouges réalisée en septembre 2020. En deuxième position vient la myrtille cultivée, dont le TCAM a bondi de +46,5 % en quantités achetées et +40 % en sommes dépensées entre 2015 et 2019, selon Interfel. Et les producteurs sont convaincus que cette tendance va se poursuivre. « Il y a dix ans en France, on consommait 4 grammes de myrtilles par an et par habitant tandis qu’aujourd’hui, on doit flirter avec les 80 g, assure Stéphane Decourcelle, directeur du secteur frais de l’entreprise Fruits rouges et Co basée dans l’Aisne. Mais on est encore très loin des standards germanique, britannique et américain qui eux sont entre 600 g et 1 kg,ce qui présage une marge de manoeuvre ».

 

DÉFICIT STRUCTUREL DE PRODUCTION

En revanche, l’offre nationale est très loin de répondre à la demande. En 2019, le taux d’auto-approvisionnement en myrtilles destinées au marché du frais était de 11 %. La framboise, elle, affichait un taux d’auto-approvisionnement de 13 % contre 31 % il y a dix ans, pointe l’étude du CTIFL. « On produisait il y a 15-20 ans un peu plus de 8 000 tonnes de framboises fraîches », renchérit Philippe Massardier, animateur de l’association de valorisation de la framboise française (AVFF). « On en produit actuellement 4 000 tonnes d’après les derniers chiffres du CTIFL, mais objectivement nous avons beaucoup de mal à justifier ce chiffre. » Face à cela, les importations françaises de petits fruits rouges frais ont explosé : + 174 % entre 2014 et 2019, à plus de 36 000 t (ndlr. total d’importation de framboise, myrtille, mûre, groseille et autres petits fruits rouges en frais). Même constat sur le marché européen (ndlr. UE des 28) où les importations ont augmenté de 97 % entre 2015 et 2019, à plus de 410 000 tonnes .Il y a donc des opportunités de marché à saisir et certains pays ne s’y sont pas trompés. Toujours selon l’étude du CTIFL, l’approvisionnement de l’UE en framboises et myrtilles fraîches est majoritairement intra-européen avec, en tête des pays fournisseurs, l’Espagne. En dix ans, les introductions de framboise et myrtille fraîches en provenance de la péninsule ibérique ont progressé respectivement de 155 % (49 900 t en moyenne en 2017-2019) et de 1 633 % (50 800 t en moyenne). Et depuis 2015, le Portugal consolide nettement sa part du gâteau. En une décennie, les introductions en provenance de ce pays ont bondi de + 2 087 % pour la framboise fraîche (16 400 t en moyenne en 2017-2019), et de +1 530 % pour la myrtille (3 100 t en moyenne).

« En framboise, pour le moment ce sont l’Espagne, le Portugal et le Maroc qui approvisionnent l’Europe », confirme Philippe Massardier ajoutant que la France est « particulièrement en retard par rapport aux autres pays européens ». Une situation qui s’explique tout d’abord par le coût de la main d’oeuvre, généralement plus élevé en France que dans les pays voisins. Or, 70 % du prix de revient d’un kilo de framboises correspondent à la main-d’oeuvre de récolte. Mais ce n’est pas le seul facteur. « On a été confrontés àd es problèmes techniques (ndlr. phytophthora en culture pleine terre) qu’on a mis beaucoup plus de temps à régler que d’autres pays européens, plus spécialisés et mieux organisés que nous », explique Philippe Massardier. Parmi ces pays l’Espagne et le Portugal donc, « qui ont choisi de se spécialiser dans cette production il y a une quinzaine d’années », raconte l’animateur de l’AVFF. Mais aussi le Royaume-Uni et l’Italie. « Les Anglais sont passés, il y a une dizaine d’années, à des modèles industriels spécialisés de production hors-sol, maîtrisés toute l’année, avec des rémunérations aux producteurs supérieures », poursuit-il. « La production de petits fruits se développe également au nord de l’Italie et en Sicile. Le but des Italiens est d’être présents sur le marché douze mois sur douze. » Sans oublier l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique « qui sont naturellement consommateurs de petits fruits ».

 

EN FRANCE, HORS-SOL EN MAJORITÉ

En 2019, la France métropolitaine a produit 5 452 t de framboises sur 679 ha, d’après Agreste. Dans l’Hexagone la framboise est cultivée majoritairement en hors-sol, et cueillie à la main avec en moyenne un passage tous les deux jours. Bien qu’il ne soit pas possible de récolter des fruits toute l’année, le choix du mode de production (plantation en racines nues, godets oulongues cannes) et du type de variétés (remontantes ou non remontantes) permet à certains de produire de la framboise huit mois sur douze, assure Philippe Massardier. « On cherche à étendre le calendrier de commercialisation, donc les complémentarités régionales et climatiques justifient que tous les territoires présentent aujourd’hui un intérêt dans la réflexion et dans le développement des fruits rouges », affirme Stéphane Decourcelle de Fruits rouges et Co, qui commercialise 10 000 t de fruits rouges frais par an dont 25 % sont cultivés en France. En contre-saison et quand la production française est déficitaire, il complète sa gamme grâce à l’import : « On constate chaque année, notamment sur la framboise, un déficit important et une incapacité de l’ensemble des opérateurs de répondre globalement à la demande. C’est regrettable qu’on n’aille pas plus vite dans le développement de cette production nationale. » Premier frein historique : le manque de cohésion defilière. « La production de framboise en France a toujours été très atomisée, difficilement organisable de ce fait, et pour laquelle les professionnels ont toujours eu beaucoup de mal à s’entendre et à se fédérer », explique Philippe Massardier. C’est justement pour rassembler que l’Association de valorisation de la framboise française (AVFF) qu’il anime a été créée en 2010.

 

L’AIDE À LA RÉNOVATION DES VERGERS

Cette difficulté à rassembler est aussi prégnante dans la filière myrtille. « Le verger de myrtille est très disparate. Il y a beaucoup de petits producteurs répartis sur le territoire et trois grosses exploitations qui ne sont pas adhérentes chez nous », indique la présidente du syndicat des producteurs de myrtilles de France(SPMF) Caroline Barbier. « Au final, le SPMF compte une soixantaine de producteurs. Nous représentons à peu près 25 % du verger français que nous estimons à 425 ha, d’après les données connues de notre syndicat. Cette année, je pense que la production française oscille entre 2 000 et 2 500 t. » Car la filière myrtille fait face à une autre difficulté : l’absence de données précises sur les surfaces de myrtilles en France. « Dans les statistiques d’Agreste nous sommes regroupés avec le cassis. C’est une hérésie, car le cassis est une culture majoritairement industrielle, alors que la myrtille est destinée au marché du frais », déplore Caroline Barbier.

Deuxième frein : l’accès à l’aide à la rénovation des vergers. Depuis 2017, il faut justifier de plants certifiés ou en cours de certification pour percevoir l’aide nationale à la rénovation des vergers. « Étant donné qu’il n’y avait pas de démarches de certification fruitière en France pour les petits fruits rouges, même si les espèces étaient en théorie éligibles, aucun dossier de demande d’aide n’était de fait éligible », explique FranceAgriMer. Mais des dérogations existent depuis 2019. « Pour la framboise, la myrtille, la groseille et le cassis, les plants CAC (ndlr. Conformité agricole communautaire) sont éligibles sous réserve que le pépiniériste s’engage à inclure les plants concernés par la demande d’aide dans le protocole de contrôle sanitaire validé pour la filière », précise l’office agricole. Une voie dans laquelle s’est immédiatement engagé le SPMF qui attend les premiers plants de myrtille certifiés pour 2021.

Troisième frein : la sélection variétale. Les variétés produites ne correspondent pas forcément aux attentes du marché. « Les framboises cultivées en France sont gustativement excellentes mais elles sont trop fragiles pour le circuit de la distribution », confie le directeur exécutif des achats de Lidl France Michel Biero. « Combien de fois à peine arrivées dans nos plateformes logistiques, et je ne parle même de l’arrivée en magasin, elles ont été refusées car il y avait déjà du jus au fond de la barquette. » Lidl a commencé à proposer de la framboise fraîche sur ses étals français en 2015. Aujourd’hui, l’enseigne en écoule 2 500 t par an dont 5 % produites sur le territoire national. « Nous faisons le maximum pour pousser l’origine France chaque fois que cela est possible », assure le représentant de Lidl. Mais pour lui, la production portugaise a une longueur d’avance sur les autres. « Le champion du monde de la framboise pour les distributeurs, c’est la marque Driscoll au Portugal (ndlr. marque américaine). Les barquettes sont toutes les mêmes, les framboises ont une tenue incroyable et sont de gros calibre. Sans aucun doute, ce sont les meilleurs. » D’où le travail mené par le groupe de réflexion petits fruits rouges créé par Interfel, début 2020, pour aider la filière à se structurer. « L’un des points abordés c’est : comment travailler avec les professionnels de la sélection variétale qui à date ne font pas partie de l’interprofession. Et comment intégrer à ce travail la vision du consommateur et de la vente, et pas juste la performance au niveau de l’exploitation », révèle à demi-mot le pilote du groupe Olivier Ayçaguer, responsable du service économie et compétitivité de filière à Interfel. Un travail qui pourrait être complété par une veille « européenne ou mondiale » de ce que font les obtenteurs et des pratiques en termes d’offre, de communication et de distribution.

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